Nous sommes les indignés
Les hommes et les femmes de la transe
Les reins noués
Les mains ouvertes
Nous marchons sur les nuages inquiets
Nous sommes les pierres blessées d’un monde égaré
Les suppliciés de la Bourse
Nos yeux sont des oranges amères
Des vendanges jamais vues
Nous conduisons nos pensées dans la brûlure du monde
Nous sommes les indignés
Les brasiers qu’on n’éteint pas
Et quand souffle le vent
La liberté enflamme nos yeux
Nous sommes les indignés
Les sans-papiers
Les tas de vie en suspens
Tous ceux que le monde a mis en sursis
Nous sommes la fumée qui dit non
Les peuples que l’on pille et les femmes que l’on viole
Le cri qui enjambe les mensonges
Nous avons élu domicile dans la rue
Car seule la rue entend
Il y des silences que l’on vomit
Des solitudes mortes-nées
Des planètes assassinées
Et sous les paupières le rêve qui accouche
Nous sommes les indignés
Accrochés à l’orage
Enfouis sous la lumière
Nous enlaçons les oiseaux
Nous creusons des nids d’oiseaux
Des lendemains frais dans les citernes qu’on assèche
Des traces d’étincelles
Nous bâtissons
Des ponts d’herbe folle
Des palmiers soudés au ciel
Nous pétrissons un autre soleil
N’abimez pas nos prières
Même nos cendres renaissent à chaque siècle
Nous allons comme la sève
Goutte à goutte vers l’aube
Nous allons comme la mer
Vague après vague
Mais nous adorons la prière du volcan
Nous savons que la terre tourne dans l’espoir d’une justice
Nous savons que les poètes ont déjà planté tous les mots
Nous voulons d’un monde bleu
Le bleu absolu des hommes et des femmes
Nous sommes les indignés
Les horlogers de l’arc-en-ciel
Nous écrivons sur les lignes de la vie
Nous vénérons la vie et nous affirmons qu’elle est possible
Que la lumière enfante la lumière
Et voltige dans toutes les couleurs du monde
Magma du monde
Chair du monde
Nous nous souvenons de la promesse des étoiles avant de tomber
Battement du monde
Nous voilà
Nous sommes les indignés
Et campés sur la place noud attendons le cérémonial des colères
A marée basse la terre est une île
Un jardin contagieux qui tient dans la main
Les arbres peuvent y danser à volonté
Ouvrir leur parasol
Les oiseaux signer de nouveaux contrats
Les hommes y prendre pied et s’envoler debout
Le temps perd ses eaux
Va au plus sensible de l’avant-jour
Projette dans le monde des vapeurs de torrent
Paroles haussées de l’incendie nomade
Etincelle du monde
Nous ignorons les surdités de l’ombre qui rouille
Les escales où s’approvisionne la peur
La taverne où les flibustiers jouent avec le diable
Le monde vire de bord en bord
Le monde guette une clairière d’île
Un peut-être
Une caresse matinale sur les grappes de rosée
Un œil qui aspire les cyclones
Tourbillon
Tourbillon de lucioles arrosant l’avalanche des nuits
Tourbillon solidaire
Nous sommes les indignés
Nous sommes ce que nous ajoutons au monde
Ernest Pépin
Faugas/Lamentin
Le 14 Septembre